La confiance en soi est, semble- t-il aujourd’hui , au cœur de toutes les convoitises. En manquer serait un handicap majeur, la détenir le gage d’une vie épanouissante et réussie.
La littérature sur le sujet existe en abondance… au grand dam de Julia de Funès. Si, comme cette dernière, je ne suis pas fan des livres de Développement personnel, il y a toutefois un livre sur la Confiance en Soi dont j’aimerais vous recommander la lecture. Il s’agit du dernier essai du philosophe Charles Pépin dédié à ce sujet.
L’article ci-dessous vous propose une synthèse de ses propos érudits et novateurs.
Dans les sociétés traditionnelles, chacun avait sa place. Pas besoin de confiance en soi quand la naissance décide de tout, quand il n’y a rien à conquérir. A l’inverse, la modernité fait de nous des êtres libres, responsables de notre destin. A nous désormais de prouver notre valeur et de construire notre bonheur : à nous d’inventer notre vie. Cela suppose d’avoir confiance en soi.
Pourtant, cela n’a jamais été si compliqué. Dans notre existence ultra- connectée, mais si éloignée du « faire » le plus élémentaire, nous manquons d’occasions concrètes de trouver la confiance.
La confiance en soi vient d’abord des autres. En fait la confiance en soi est d’abord une confiance en l’autre.
La confiance en soi engage également notre rapport à l’action, notre capacité à « y aller » malgré les doutes, à nous risquer dans un monde complexe. Pour trouver ce courage de s’aventurer au dehors, il faut une « sécurité intérieure »
Les premières années, l’enfance sont bien entendu décisives, mais heureusement, nous pouvons à tout âge nouer des relations qui nous donnent confiance. Si nous n’avons pas eu la chance d’être des enfants suffisamment sécurisés par notre environnement affectif, il n’est jamais trop tard pour tisser les liens qui nous manquaient. Mais cela suppose de bien se connaitre pour être conscient de ce manque et de la nécessité de le compenser. Personne ne peut seul, prendre confiance en soi. La confiance en soi est d’abord une histoire d’amour et d’amitié.
Pour sentir que nous avons conscience en nous, il faut l’éprouver d’abord à l’occasion d’une confiance dans telle ou telle action concrète. Nous avons besoin d’expériences concrètes, de compétences précises et de succès réels pour prendre confiance en nous. Donc n’hésitons pas à fêter nos réussites, si petites soient elles : elles sont autant d’étapes sur le chemin de la pleine confiance en soi.
Il faut aussi que notre compétence soit davantage qu’une capacité à répéter ce que nous savons déjà faire. Elle doit devenir le terrain de développement de notre créativité, l’occasion d’une véritable présence à soi. Cette mutation n’est possible qu’au terme d’un lent processus : la maitrise nous conduit peu à peu à l’acceptation d’une forme de lâcher prise. Grâce à tout ce que nous avons appris, expérimenté, intégré, nous nous autorisons enfin à nous faire confiance.
Défendre une philosophie de la confiance, c’est aussi rappeler le premier principe de la sagesse stoïcienne : tout ne dépend pas de nous. Il y a ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Nous devons bien sur agir autant que possible sur ce qui dépend de nous, mais avoir confiance en soi, c’est avoir également confiance en ce qui ne dépend pas de soi et que notre action peut mettre en branle. Souvent, lorsque nous souffrons d’un manque de confiance, lorsque nous nous mettons trop la pression, nous nous faisons une idée fausse des choses. Nous présupposons que tout dépend de nous. Il n’y a pas de manière plus certaine de rater.
Trop souvent, les psychologues, enseignants ou coachs qui valorisent l’action comme moyen de développer la confiance en soi ne mettent pas assez l’accent sur cette définition de l’action comme rencontre du monde, des autres ou du réel. L’action est présentée sous un jour trop volontariste : comme un simple moyen de prendre la mesure de ses capacités, de développer son savoir-faire. Elle est parfois réduite à un terrain d’entrainement pour la volonté. Mais agir c’est plus que s’entrainer ; c’est rencontrer le monde. Rien ne nous dit que le monde ne sera pas avec nous plus tendre que prévu. Agir, c’est se donner une chance d’avoir de bonnes surprises : c’est se donner une chance d’expérimenter la tendresse du monde.
Un des grands ennemis actuels de la confiance en soi réside dans le fait qu’aujourd’hui nous ayons des possibilités infinies de nous comparer aux autres : le pire poison pour la confiance en soi. Sur Facebook ou Instagram, il y aura toujours, en apparence du moins, des gens plus beaux que nous, plus riches que nous, plus cultivés que nous, plus connectés que nous, plus engagés que nous- des vies plus belles que les nôtres … Nos parents n’avaient pas ce problème : ils ne pouvaient pas se faire du mal si facilement : ils ne se comparaient qu’à leurs proches : les inconnus restaient inconnus, les connaissances trop lointaines et les stars inaccessibles.
Ce poison est d’autant plus nocif qu’il peut venir réactiver des blessures d’enfance qui sont à l’origine de notre manque de confiance : blessures familiales peut être mais aussi blessures scolaires. L’école française est une école de classements, de rangs…Elle insuffle aux enfants l’idée que leur valeur se mesure non par rapport à eux-mêmes mais par rapport aux autres, comme si la satisfaction se trouvait davantage dans le dépassement des autres que dans son propre perfectionnement.
Le seul fait de se comparer nous détourne de la vérité de notre existence.
Pour résister à cette tentation de la comparaison, s’épargner les ravages de l’envie et de la jalousie, il faut bien se connaitre.
Si je sais à quoi j’aspire, où je suis et où je vais, je ne vais pas me comparer à ceux qui aspirent à autre chose ou me sentir en compétition avec tous ceux qui ne partent pas du même endroit que moi et ont d’autres objectifs que moi.
A l’inverse, si je ne sais pas assez qui je suis, si je ne sais pas quel est mon désir, tous les désirs des autres deviennent les miens. Le risque est alors de perdre pied dans l’élargissement sans limites du champ de la compétition et d’être rongé par l’envie et de perdre confiance.
Charles Pépin conclut son livre en expliquant que si la confiance en soi vient avec la compétence, si elle se construit dans notre relation aux autres, elle trouve dans la confiance dans la vie sa condition de possibilité, son sol nourricier.
La confiance en la vie est à la fois quelque chose d’évident et de difficile à définir. C’est croire qu’il y a dans la vie, dans toute vie, quelque chose de bon, et peut être même de tendre. C’est continuer à aimer la vie même quand elle semble dure. C’est penser qu’elle n’a pas besoin d’être parfaite pour être digne d’être vécue. Disons- le simplement : faire confiance à la vie, c’est penser qu’elle est plutôt une bonne chose.
Avoir confiance en soi, ce n’est pas être sûr de soi. C’est trouver le courage d’affronter l’incertain au lieu de fuir. Trouver dans le doute, tout contre lui, la force de s’élancer.